Friday, February 6, 2009

Le traitement des immondices


Il est sans doute significatif, dans l’ordre emblématique d’une époque, que les premiers profits d’une industrie cherchant de nouvelles orientations proviennent du traitement des immondices. La ligne du progrès et du progressisme court désormais de la reconversion des déchets à la reconversion du vieux monde comme déchet.

Vaste travail ! À la montagne de détritus qu’exhaussait sans relâche le gaspillage lucratif de biens originellement gâtés s’ajoute l’amoncellement de ce qui nos a gâté l’existence : l’État, la bureaucratie, l’armée, la police, la religion, le travail, la famille.


Issu d’un accouplement entre la surconsommation de produits nul et non avenus et l’agencement officieux du besoin de les acheter, l’engrossement du secteur tertiaire a enfanté une bureaucratie parasitant la société active, la tétanisant par ses ponctions financières.

L’essentiel, cependant, ne suffit plus à l’existence. Non seulement le confort et l’aisance grâce auxquels la survie escomptait tromper son ennui ont déçu les espérances, mais il est né de la richesse factice dont s’affublait le quotidien un sentiment de pauvreté vécue que rien ne pourra effacer si ce n’est la vie redécouverte et recréée.

Le minimum vital ne se borne plus dès maintenant aux moyens de se loger, de se nourrir, de se vêtir, de se déplacer, de s’instruire, de se rencontrer. Il entre dans les contingences du néo-capitalisme de nous combler sur l’accessoire. Il nous rendra la fraîcheur des légumes et des fruits en place des cultures chimiques, la saveur du bœuf en pâture au lieu des vaches martyrisées dans ces élevages concentrationnaires qui servent de modèle à l’ordonnancement des banlieues et des écoles. Il extirpera des paysages les tumeurs bétonnées dont les affligèrent les intérêts immobiliers et réinventera l’art d’habiter. Il épurera l’air des nuisances chimiques et nucléaires. Il ralliera à lui ceux qui n’ont pas résolu de mourir avec un monde qui se meurt. Mais de tous ces bienfaits il ne restera qu’un immense désenchantement si nous n’apprenons pas dès maintenant à prélever dans ce que l’économie nous lègue de plus aimable et de plus redoutable de quoi affiner sans trêve nos désirs d’une vie plus humaine. Jusqu’à cet état de grâce ou le vivant ne crée partout que la vie.

tancredo infrasonic

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